La crise de la Covid-19 a été le catalyseur de l’envolée des prix des montres de luxe. Durant cette période de grandes incertitudes, au cours de laquelle « le chaos devenait probable », nombreux sont ceux qui ont cherché à sécuriser leurs économies dans des valeurs sûres, au premier rang desquelles figurent les valeurs refuges palpables. Ajoutez à cela un incroyable afflux de liquidités lié à une politique monétaire « accommodante » et des taux d’intérêts négatifs. Vous obtenez alors le cocktail idéal pour créer une « bulle ciblée » sur les actifs tangibles : ce fut la ruée vers l’or en même temps que la ruée vers les montres.
La conséquence ? Une augmentation démesurée de la valeur de quelques modèles spéculatifs bien identifiés que sont la Patek Philippe Nautilus, la Audemars Piguet Royal Oak, la Rolex Daytona et certaines éditions limitées de la Omega Speedmaster. Avec des prix de seconde main ayant augmenté de plus de 200% en moyenne en à peine 1 an et des résultats stratosphériques en salle de vente aux enchères, cette envolée a donné l’impression d’un marché global en surchauffe avec une bulle spéculative généralisée. "La correction de marché était inévitable, et comme on pouvait s’y attendre, les prix de ces modèles ont depuis baissés de 30% en quelques mois" précise Pascal PAUL, CEO de Kronos 360.
Qu'en est-il réellement ?
Le premier constat est que la surchauffe des prix sur les modèles « best-sellers » n’était pas liée à l’inflation galopante que nous connaissons depuis 1 an puisque l’envolée a commencé à l’été 2020 à la suite du premier déconfinement. La croissance des prix a été soutenue jusqu’à la fin de 2021 et s’est maintenue jusqu’au déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022. Puis, à partir de mars 2022, on a constaté une baisse constante d’une partie du marché.
Le deuxième constat est que la correction de marché est concentrée sur les quelques modèles spéculatifs cités ci-dessus. D’ailleurs, ces modèles spéculatifs sont exclusivement des références modernes, encore au catalogue des marques et ayant le statut de best-seller. On peut en conclure que la prime à la disponibilité que les investisseurs étaient prêts à payer pour compenser le délai d’attente pour l’achat en neuf s’est réduite.
Le troisième constat est que si l’on isole ces 3 modèles « best-seller » que sont la Patek Philippe Nautilus, la Audemars Piguet Royal Oak et la Rolex Daytona, la valeur du marché reste en croissance de + 10%. On constate en outre depuis le début de l’été 2022 un regain d’intérêt pour les modèles vintages et les modèles « pré-collector » en arrêt de production. Cette catégorie iconique garde son statut de valeur sûre et reste relativement peu impactée par la correction de marché.
Conclusion : le statut de valeur refuge de la montre de luxe se confirme avec la crise.
Si l’on exclut les modèles phares hautement spéculatifs, le marché de l’horlogerie de seconde main est en croissance continue depuis 10 ans. Ainsi, n’importe quelle montre Rolex achetée en 2012 a vu sa valeur augmentée de 150% en moyenne sur la période. De surcroit, l’augmentation des délais d’attente pour obtenir une montre dans le marché du neuf agit comme un amortisseur sur le marché de la seconde main qui bénéficie de la prime à la disponibilité. "L’occasion est certes en baisse mais il reste malgré tout largement supérieur au prix de vente catalogue des marques" rajoute Pascal PAUL. Nous assistons ainsi à une correction de marché qui ramène le prix au niveau pratiqué avant le début du Covid. Les modèles collectors restent quant à eux stables ou sont en croissance suivant les références et l’historique de chaque marque.
En attendant la stabilisation, le marché se tourne vers le « néo-vintage » et le « pré-collector », confirmant par la même occasion le statut de valeur refuge de la montre de collection.