
L’horlogerie a longtemps été dominée par un imaginaire masculin : complications techniques, montres sportives, collections conçues avant tout pour les hommes. Pourtant, cette vision est en train de voler en éclats. Aujourd’hui, les femmes s’imposent non seulement comme une clientèle à part entière, mais aussi comme des collectionneuses averties, influentes sur le marché du luxe.
Un marché en pleine expansion
Si les femmes ont toujours acheté des montres, leur approche a longtemps été limitée par une offre formatée : des modèles souvent réduits à une esthétique bijou, parfois même dépourvus de mouvements mécaniques dignes de ce nom. Mais depuis quelques années, la demande a changé. D’après une étude de la Fédération de l’industrie horlogère suisse, la vente de montres féminines mécaniques a connu une hausse significative, notamment sur le segment haut de gamme. En 2023, Patek Philippe a annoncé que près de 30 % des ventes de la Nautilus étaient désormais réalisées sur des modèles féminins, une évolution notable pour une montre longtemps perçue comme un symbole de virilité horlogère.
Autre exemple frappant : Rolex. La marque a progressivement élargi son offre pour les femmes en mettant en avant des modèles comme la Datejust ou la Day-Date en 36 mm, des tailles historiquement masculines mais qui trouvent aujourd’hui un public féminin grandissant. De son côté, Audemars Piguet a confié que le Royal Oak 34 mm séduit autant les femmes que certains hommes, confirmant une demande pour des montres où la technicité prime sur le simple ornement.
Des événements qui confirment la tendance
Le succès d’événements comme Montres et des Femmes, organisé le 25 janvier 2025, illustre l’essor du marché féminin dans l’horlogerie. Ce rendez-vous met en avant une clientèle de plus en plus avertie, rassemblant collectionneuses, marques et experts du secteur. À travers des conférences et des présentations de modèles, il souligne l’intérêt croissant des femmes pour des montres où la technicité prime autant que l’esthétique, loin de l’image traditionnelle des montres bijou.
Cette dynamique s’observe aussi dans l’orientation des grandes maisons horlogères, qui adaptent progressivement leur offre. Des marques comme Rolex, Patek Philippe ou Audemars Piguet multiplient les modèles mécaniques pensés pour les femmes, tandis que des indépendants comme MB&F ou F.P. Journe séduisent une clientèle féminine en quête d’horlogerie de caractère. La multiplication de ces initiatives confirme que les femmes s’imposent aujourd’hui comme des actrices majeures du marché, une évolution que l’industrie ne peut plus ignorer.
Une opportunité que les marques doivent saisir
Malgré cette dynamique, l’offre peine encore à répondre pleinement aux attentes des femmes passionnées d’horlogerie. Trop souvent, les maisons déclinent leurs modèles en version féminine en se limitant à un simple sertissage de diamants ou à un cadran nacré, sans réelle considération pour l’innovation horlogère. Pourtant, certaines marques l’ont bien compris : Chanel, avec sa J12 équipée d’un calibre Kenissi, ou Breguet, qui développe des montres féminines aussi sophistiquées que ses références masculines, prouvent que l’on peut concilier raffinement et excellence mécanique.
L’enjeu pour l’industrie horlogère est donc clair : comprendre que les femmes ne veulent plus seulement de belles montres, mais de véritables pièces de collection, à la hauteur des plus grands classiques masculins. Avec une clientèle de plus en plus informée et exigeante, il ne s’agit plus d’une simple tendance, mais bien d’un marché stratégique que les marques ne peuvent plus se permettre d’ignorer.
Article rédigé par Chris Samassa, fondateur d’Osterman Watch