
La plongée sous-marine a inspiré certaines des montres les plus robustes et emblématiques de l’horlogerie. En 1953, une pièce légendaire marque le début de cette aventure sous-marine : la Blancpain Fifty Fathoms. Conçue à la demande des nageurs de combat français, cette montre est souvent considérée comme la première véritable montre de plongée moderne. Son nom évoque son étanchéité d’origine – fifty fathoms, soit 50 brasses (environ 91 m) de profondeur. Taillée pour l’action, robuste et lisible, la Fifty Fathoms établit d’emblée les codes de la plongeuse : lunette tournante graduée, larges index luminescents et boîtier scellé. Elle prouvera vite son efficacité, portée notamment par l’équipe du commandant Cousteau dans le film Le Monde du silence (Palme d’or 1956) – une consécration pour cette montre pionnière.
Dès l’année suivante, Rolex s’engouffre dans le sillage avec la Submariner (présentée en 1953, commercialisée en 1954). Si Blancpain avait ouvert la voie, Rolex va populariser le genre en le portant à un niveau industriel et international. La Submariner est dès son lancement étanche à 100 m – une prouesse pour l’époque – puis sa résistance sera portée à 200 m dès 1954, et enfin 300 m à la fin des années 1980. Son design sobre et fonctionnel (lunette unidirectionnelle noire, cadran noir à index ronds luminescents, couronne vissée) devient le visage emblématique de la montre de plongée. Conçue comme un outil, elle séduit autant les plongeurs professionnels que le grand public fasciné par l’exploration océanique. Au fil du temps, la Submariner transcende son rôle utilitaire pour devenir une icône universellement reconnue. Ses innovations techniques et esthétiques sont telles que la norme ISO des montres de plongée s’en est inspirée en 1981. La Submariner donnera naissance à une lignée de Rolex extrêmes – Sea‑Dweller en 1967 avec valve à hélium pour la plongée en saturation, puis la Deepsea en 2008 – repoussant toujours plus loin les limites de profondeur.
Jacques Cousteau, célèbre explorateur français et sa Rolex Submariner 6205
Si les années 1950 ont posé les fondations, le XXIe siècle voit naître des montres de plongée d’une extrême audace technologique, taillées pour les abysses les plus profonds de la planète. En 2019, l’expédition Five Deeps emmenée par l’explorateur Victor Vescovo atteint le point le plus profond des océans (Challenger Deep dans la fosse des Mariannes).

À l’extérieur du submersible, une Omega Seamaster Planet Ocean Ultra Deep expérimentale accomplit l’exploit d’atteindre 10 935 m de profondeur, établissant un record absolu pour une montre. Son boîtier monobloc en titane grade 5, ses attaches distinctives dites Manta lugs et son épais verre saphir à structure conique – inspiré des hublots de submersible – illustrent l’innovation déployée pour résister à une pression inimaginable. Après cette prouesse, Omega a commercialisé des modèles Ultra Deep de 45,5 mm étanches à 6 000 m pour offrir au grand public une parcelle de cette technologie des abysses.
Omega Seamaster Planet Ocean Ultra Deep expérimentale
Seamaster Planet Ocean Ultra Deep
En parallèle, Rolex poursuivait sa propre quête abyssale. En 2022, la marque couronne ses décennies de recherche avec la Rolex Oyster Perpetual Deepsea Challenge. Directement inspirée de l’expédition de James Cameron (qui avait plongé à ~10 908 m en 2012 avec un prototype Rolex attaché à son sous-marin), la version commerciale Deepsea Challenge établit un nouveau standard : un boîtier massif en titane RLX de 50 mm, équipé du système Ringlock et d’une valve à hélium, garanti étanche jusqu’à 11 000 m de profondeur. Jamais une montre de poignet n’avait été conçue pour un tel royaume de pression. Sur son fond, Rolex a gravé les mentions “Mariana Trench – 23-01-1960 / 26-03-2012” en hommage aux plongées historiques du bathyscaphe Trieste (1960) et de James Cameron. Malgré ses dimensions hors-normes, la Deepsea Challenge reste utilisable au quotidien grâce à la légèreté du titane (30% plus légère que le prototype de 2012) et à des extensions de bracelet ingénieuses permettant de la porter même sur une combinaison. Cette montre extrême incarne l’esprit d’exploration sans concession : faire de la pression un allié plutôt qu’un ennemi.
De la Fifty Fathoms des années 50, née pour accompagner les premiers nageurs de combat, aux garde-temps surdimensionnés défiant la fosse des Mariannes, l’évolution des montres de plongée est une épopée technique et humaine. Chaque génération a repoussé un peu plus loin les frontières de la profondeur, alliant innovation technologique, robustesse extrême et une esthétique particulière dictée par la fonction. Ces montres de plongée fascinent les passionnés d’exploration autant que d’horlogerie : elles sont le reflet miniature de la conquête des océans, battant au poignet de ceux qui osent descendre là où la lumière se perd. Chaque tic-tac sous l’eau rappelle le chemin parcouru – des premières brasses à 50 brasses jusqu’aux abysses à 11 kilomètres – et l’esprit pionnier qui continue d’animer l’horlogerie de plongée.
Article écrit par Chris Samassa, fondateur d' Osterman Watch