Quand l'ocre se met en tête de colorier le LUBERON

20 juillet 2016
Quand l'ocre se met en tête de colorier le LUBERON

Destination phare du tourisme hexagonal entre les Alpes de Haute-Provence et la plaine du Vaucluse, le Luberon qui attire toujours et encore le touriste, surtout depuis 1977, date de création du Parc Naturel Régional, est bel et bien un petit coin de paradis. Dans cet arrière-pays, la Provence retrouve la pleine force de son caractère. Du chant des cigales à la garrigue, des murets de pierres sèches aux imposantes bastides, des villages perchés aux châteaux médiévaux, des arbres fruitiers aux marchés colorés, rien ne manque au tableau, ni même l’accent qui fait chanter, à longueur de journée, tout ce petit monde accueillant.

Le soleil scintille de tous ses feux dans un ciel d’un bleu dur dès le lever du jour. Aujourd’hui, il ne s’est pas fait voler la vedette par le mistral qui, la veille, avait décidé de prendre le dessus. La calèche d’Ollivier Augier est bien au rendez-vous. Loin de vouloir distraire le touriste avec un simple petit tour de manège, Ollivier a mis sur pieds des balades à thèmes pour faire découvrir, au plus proche, sa région. C’est après plus de trois ans de voyage autour du monde où il est allé rencontrer les grands peuples cavaliers, en Mongolie, en Patagonie entre autres, pour en savoir plus de leur rapport avec dame nature, qu’il a décidé de proposer ces découvertes à thèmes. Celui du jour n’est pas la lavande qui strie de longues rayures bleues cette riche et multiple nature provençale, ni les forêts aux nuances subtiles de verts, ni les vignes généreuses qui donnent ces gouleyants « Côtes du Luberon » ou « Ventoux », ni les truffiers qui permettent de récolter le célèbre diamant noir régional mais l’ocre flamboyant.

Blanca et Apanor, deux magnifiques appaloosas, piaffent d’ailleurs d’impatience, il serait temps de partir. La route va être longue pour aller jusqu’au premier site d’observation des ocres, l’occasion de se familiariser avec cette vie équestre qui va être nôtre l’espace d’une journée. C’est 90% à la voix qu’Ollivier communique avec ses chevaux. On pourrait dire qu’ils sont polyglottes, ils comprennent le français, l’espagnol et l’anglais. Il ne fait vraiment qu’un avec eux. « J’ai appris à monter avant même que de savoir marcher mais j’ai beaucoup appris en allant vers ces peuplades lointaines. Il témoignent d’un savoir-être avant d’un savoir-faire. Le rapport à la nature commence avec la connaissance de soi… j’ai donc décidé aujourd’hui de vous rapprocher le plus possible de cette nature qui m’est chère ». Le cours sur l’ocre peut alors commencer. Pendant que nous nous dirigeons vers le Colorado Provençal, première escale de cette découverte, Ollivier se fait alors didactique tout en ne cessant de communiquer avec ses chevaux.

On apprend donc que la mer, il y a des millions d'années, recouvrait toute la région. En se retirant, elle laissa des bancs de sables enrichis d'une argile ayant pour particularité de contenir du fer qui donne des couleurs à ce réel trésor sédimentaire. Même si l’extraction de l’ocre a débuté dans le Luberon à la fin du XVIIIème siècle, après que Jean-Etienne Astier ait inventé un traitement permettant de séparer l’ocre du sable et de lancer petit à petit son industrialisation, son utilisation remonte loin dans le temps. On en trouve par exemple des traces de plus de 77 000 ans sur des peintures pariétales en Afrique Australe, de près de 18 000 ans dans les grottes de Lascaux. Les embaumeurs égyptiens l’utilisaient également pour lutter contre le noircissement des momies, les femmes Himbas s’en enduisent encore le corps en Namibie afin de se protéger de l’ardeur du soleil, de la sécheresse de l’air et des insectes. L’utilisation, qui était donc, en premier lieu, réservé au maquillage au sens large et à l’art comme pigment, prit un autre essor lorsque monsieur Goodyear que l’ocre stabilisait le caoutchouc. C’est ainsi qu’il se retrouva donc dans les pneus, dans les chambres à air de vélo, dans les ronds de caoutchouc des bocaux de conserve, dans les tétines, dans les filtres des cigarettes ou dans le linoléum.    

Au début du xxe siècle, on produisait 36 000 tonnes d'ocre dans le Pays d'Apt et 98 % de la production partaient à l'exportation. Impensable dans un si petit territoire, guère plus de 25 km de long ! Pas moins de cent carrières furent ouvertes et l’ocre était traitée dans vingt cinq usines. Ce fut l'âge d'or des pigments ocreux.

                                                

Le Colorado provençal

Appelé également les ocres de Rustrel, ce site, semi-naturel, créé surtout par les hommes mais aussi par la nature, s'étend sur plus de 30 ha. Blanca et Apanor vont pouvoir se reposer pendant la visite qui s’annonce des plus magiques. Fermé à l’exploitation depuis 1992, date à laquelle le dernier ocrier a pris sa retraite, le Colorado est devenu un site touristique très naturel. Sur plusieurs kilomètres avec des dénivelés allant de 10 à 150 m, tous les sentiers se prêtent à la balade ou à la randonnée. Au détour de l’un d’entre eux, tout d’un coup, un paysage insolite remplit tout le panorama. Des cheminées de fée flamboyantes s’élancent vers le ciel. En éventrant la terre pour en arracher les précieux pigments, les ocriers ont façonné des paysages aux formes fantastiques, des falaises érodées comprenant plus de 20 teintes d'ocre, allant du jaune à l’orangé et même au rouge intense. Dans le « cirque de Barriès », le « désert blanc » ou le « Sahara », le contraste de ces carrières avec le vert de la végétation est un réel émerveillement. Il est grand temps désormais de partir en direction de Roussillon et de son Sentier des Ocres. L’attelage reprend aussitôt la route mais les passagers sont encore sous le choc de toute cette beauté. Ollivier a du mal à capter l’attention, aussi nous laisse-t’il rêvasser en nous faisant passer dans des paysages dignes de Jean de Florette, si bien qu’à chaque virage, on imagine voir surgir Manon, toute échevelée. Le dépaysement est total et la notion du temps est désormais pour chacun superficielle.

                                        

Le Sentier des Ocres

Halte obligée à Roussillon qui surgit, tout rayonnant, de son promontoire ! Classé parmi les plus beaux villages de France, il témoigne, haut et fort, de son appartenance à cette région en déclinant sur toutes ses façades une palette incroyable de couleurs chatoyantes et un savoir-faire traditionnel indéniable. L’ocre est partout. Parcourir ce dédale de ruelles qui s’entrelacent, c’est pénétrer une œuvre d’art vivante dont on ne voudrait jamais sortir. A deux pas du village, le Sentier des Ocres, rendu, lui aussi, à la nature reçoit chaque année des milliers de visiteurs. Deux itinéraires balisés et jalonnés de panneaux éducatifs permettent d’y faire une découverte aisée qui va être encore plus approfondie en se rendant au Conservatoire des Ocres et de la Couleur à quelques encablures de là. Seulement, Ollivier nous a réservé une bonne surprise avec un pique-nique fort agréable : que des produits du terroirs, dans un décor de rêve.

Conservatoire des Ocres et de la couleur

A l’instar d’un conservatoire de musique, celui des Ocres est un lieu de pratique, de transmission et de partage des savoir-faire liés à la couleur. Il est possible d’y faire de nombreux ateliers fort intéressants mais, surtout, c’est là que l’on apprend, sur ce site de 5 ha, toutes les étapes de cette industrie qui, même si elle a enrichit la région, a été des plus astreignantes pour tous ceux qui y travaillaient. Preuve en est dans le site devant lequel notre calèche fait ensuite escale.

Les Mines de Bruoux

Finalement l’ocre n’a pas toujours été extraite en carrières à ciel ouvert mais également dans des mines. Dans ce site exceptionnel, unique en Europe, un circuit de 650 m de galeries, pouvant atteindre jusqu’à 15 m de haut, au sein d'un réseau de plus de 40 km, emmène le visiteur dans un voyage souterrain, une fois de plus, époustouflant. Autant la chaleur sur les autres sites devait être harassante pour les ocriers que, là, une température constante des galeries à 10°C, été comme hiver, ne devait en rien aider à la main d’œuvre.

                 
                           

Avant que la journée ne s’achève, Ollivier et ses deux acolytes ont encore foule de  surprises à nous faire partager. Comme nous l’avons appris tout au long de ce périple, l’activité autour de l’ocre a chuté considérablement après la crise économique de 1929. Les marchés se sont fermés les uns après les autres. Aujourd’hui, il n’existe plus qu’une seule entreprise qui exploite l’ocre : la Société des Ocres de France de Gargas, car cosmétiques, pharmacie, beaux-arts, produits alimentaires continuent à employer cette matière. Nous avons donc la chance d’approcher les derniers bassins de séchage et de toucher du doigt ce que l’on croyait connaître sans en soupçonner la provenance. Sentant l’écurie à portée de sabots, les deux appaloosas s’en donnent à cœur joie dans les chemins creux qui cisaillent des champs de coquelicots, caracolant dans les sentes forestières à peine plus large que notre calèche quand, soudain, nous transperçons une muraille d’ocre. Apothéose pour clore cette journée où l’émotion est à son maximum. L’ocre restera, outre sur nos effets, à tout jamais gravée dans notre mémoire.

                                                                                                                                                                                          

-> Office de tourisme

Provence en Luberon

www.provence-en-luberon.com



-> Mines d'ocre de Bruoux

un patrimoine hors du commun

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-> Le Luberon en calèche

Ollivier Augier

+ 33 (0) 7 81 &8 98 78

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