De nombreuses manifestations ponctuent en effet cette année du souvenir. Autour de ce projet exceptionnel se sont greffés : institutions culturelles, entreprises, artistes, associations (culturelles et sportives), commerçants. Parmi les objectifs de ce concept, unique en son genre, réunir la population autour de Tinguely, enfant du pays, et faire vivre le rêve, l’esprit et l’aura de cet artiste était primordial.
Maître incontesté de l'Art du mouvement, Jean Tinguely, artiste de renommée internationale, a laissé dans l'héritage artistique fribourgeois une trace indélébile.
Même, si, depuis janvier, les commémorations vont bon train, le week-end passé, le premier week-end de septembre, le but recherché fut plus qu’atteint avec le Grand Prix Tinguely. Presque jour pour jour, une reconstitution du cortège funèbre, qui avait accompagné l’artiste vers sa dernière demeure, a été réorganisée.
Le 4 septembre 1991, l’enterrement de Jean Tinguely, méticuleusement préparé par un groupe d’amis et les autorités et surtout suivant ses instructions, s’était transformé en un rassemblement populaire, mélange de carnaval et de marche funèbre, à la fois triste et burlesque, qui réunit près de 15 000 personnes. A côté du cercueil, dissimulé sous des tournesols, sa fleur préférée, porté par les assistants de l’artiste, défilèrent la famille, les autorités fédérales, cantonales et communales mais aussi une œuvre de Tinguely, le Klamauk, le tracteur qui « pète », crachant des feux d’artifice et des fumées nauséabondes, ainsi que la Landwehr, le corps de musique officiel du canton, une formation de fifres et de tambour et six longues Cadillac. Entamé par un violent coup de canon, le joyeux cortège traversa avec émotion la ville de Fribourg. Devant la cathédrale, tournait une sculpture en fer représentant un disque mi soleil-mi faux surmontée d’un crâne.
Il ne voulait pas d’une cérémonie triste, ce fut réussi, elle ne l’avait pas été … les Fribourgeois s’en souviennent encore !
25 ans après, la ville de Fribourg a encore résonné dans toute la région, en ce 3 septembre. Bruit et mouvement étaient largement de mise. Défilé de voitures de course vrombissantes, motos pétaradantes, machines infernales tonitruantes… musique anarchique explosant de toutes parts, fanfares, tout y était et tout a dû plaire à Jean Tinguely qui devait sûrement être caché quelque part, ému de voir que, 25 ans après, personne ne l’avait oublié. Toute la ville, fermée à la circulation pour l’occasion, s’était retrouvée en son honneur.
L’homme et l’artiste
Sculpteur, peintre et dessinateur suisse, Jean Tinguely était né le 22 mai 1925 à Fribourg. Il effectua tout d’abord un apprentissage de décorateur, mais se tourna vite vers l'art, progressivement vers la sculpture et le mouvement. En 1956, il rencontra Niki de Saint Phalle, qui devint sa deuxième femme. De nombreux voyages donnèrent progressivement à ses œuvres un rayonnement international.
Surtout connu pour ses machines bizarres produisant sons, couleurs, lumières, bruits ou, parfois même, des odeurs, Jean Tinguely était un artiste dont les œuvres comptent probablement parmi les manifestations les plus vivantes de la sculpture du XXe siècle.
Ses machines (ou sculptures), fortement influencées par Alexandre Calder, étaient construites en opposition au culte de l'objet neuf produit par la société de consommation. Consciemment imparfaites et inutiles, et issues d'objets récupérés, elles étaient constamment liées au mouvement, au changement et au caractère éphémère et perpétuellement inachevé de l'Art.
Parmi ses inventions les plus originales, on compte les Méta Matics ou sculptures animées dont il a commencé la réalisation en 1954 sous le nom de Méta-mécaniques qui étaient alors des tableaux animés électriquement. Avec Niki de Saint Phalle, il créa de gigantesques sculptures, dans des parcs, notamment le Jardin des tarots en Toscane ou la fontaine Stavinski de Beaubourg à Paris.
Tinguely possédait le don d'attirer l’attention et d’établir ainsi une communication avec ses mécanismes détournés de leur sens et de leur finalité. Avec Euréka, une énorme machine conçue pour l’exposition nationale suisse de 1964, cette particularité est apparue comme une caractéristique essentielle de son art. Imprégné des œuvres de Marcel Duchamp, (Ready-made ou objets usuels ironiquement promus œuvres d’art), il s’inscrit dans l’esprit dadaïste qui se manifeste par la provocation et la dérision souvent au cours de manifestations publiques. En 1959, son premier triomphe public a lieu lors de la Biennale de Paris, inaugurée par André Malraux, au musée d'art moderne de la ville de Paris, avec des machines produisant des peintures en série dont il a pu faire la démonstration devant le public.
Il remet en question l’académisme de l’art créant des machines construites, en partie, avec des objets de récupération, sciemment imparfaites, s'opposant au culte de l'objet neuf et pratiquant le recyclage déjà utilisé avant lui par l'art brut. Ces matériaux de récupération, auxquels il redonne vie en les animant avec des moteurs, comptent parmi les innovations les plus vivantes de la sculpture du xxe siècle
Sur les pas de Tinguely avec Odile
Si vous allez à Fribourg, surtout contactez Odile qui vous fera découvrir l’homme, Jean Tinguely, en arpentant, avec vous, certains quartiers, certaines rues, qui marquèrent des épisodes de sa vie, une manière plus qu’intéressante d’approcher en même temps cette adorable petite ville suisse, bien implantée dans le canton de Fribourg. « Nous sommes un petit groupe et nous avons décidé de faire découvrir agréablement notre ville en racontant des histoires. Nous sommes des conteurs ! Pour Jean Tinguely, cette balade se situe entre un récit de vie et celui que l’on voudrait qu’il devienne, c’est-à-dire une légende. » Cela commence donc sur la place…Tinguely … face à l’office de tourisme. Très vite, on fait la connaissance de Jo Siffert, son ami, champion du monde de formule 1. Tous les deux finalement avaient des points communs. Toujours dans le défi de la vitesse et de la mort, ils aimaient le bruit et les machines en mouvement. Odile donne tellement de vie à son récit qu’on a l’impression que les deux compères vont déboucher à l’angle d’une rue et qu’il ne serait pas étonnant de les retrouver assis sur la fontaine « Jo Siffert » que Tinguely a réalisé à la mort de ce dernier.
On passe devant des vitrines où, au début de sa carrière, il créa des événements en y faisant des installations pour gagner de quoi vivre… Bien sûr, un petit arrêt s’impose devant le restaurant le Gothard, une brasserie locale où l’on peut déguster des repas typiques du terroir et où l’artiste aimait venir se restaurer. La cathédrale, où fut dite sa messe d’enterrement, est à deux pas. « Petite anecdote, en 1991, grimpé à 4m50 du sol, Tinguely fut celui qui fit le discours officiel de la fête nationale du 1er août. Il avait, bien sûr, organisé un feu d’artifice pour clore toutes les manifestations mais ce fut la cata totale. Les fusées partaient dans tous les sens, les enfants pleuraient, les parents pestaient… Une réelle anarchie ! … 30 jours plus tard, il mourrait à l’âge de 66 ans. » Jean Tinguely était absolument contre les musées, voilà pourquoi le lieu dédié à son œuvre sur Fribourg est appelé « Espace Jean Tinguely et Nikki de Saint Phalle ». Il avait d’ailleurs mit sur pied son anti-musée , « Le Torpedo » à la Verrerie, non loin de Fribourg, mais ce lieu n’a pas survécu à l’artiste. « Il s’était promis que celui qui resterait, prendrait soin des œuvres de l’autre et les mettrait en valeur. » Niki de Saint Phalle tint sa promesse en créant l’ « Espace » à Fribourg. Curieusement, cet « Espace » se situe à l’emplacement d’un ancien garage de trams (le bruit et le mouvement), entre deux églises, une catholique et une protestante, reflet de sa vie entre Bâle et Fribourg et au dessus d’un cimetière, lui qui était obsédé par la mort.
Il repose à Neyruz, à quelques kilomètres de Fribourg, où il vécut à partir de 68, dans le petit cimetière jouxtant l’église. Adossé à cette dernière, une machine, signée de l’artiste, est posée sur sa tombe et un bouton permet de lancer le mouvement.
« La notion d’art est une charge dont il faut se débarrasser. Il faut devenir un émetteur poétique sans se demander si c’est de l’art ou non, si c’est beau ou non, si c’est vendable ou non. »
(Jean Tinguely)
Christiane Calonne
Expos
… à Fribourg
expo permanente
Espace Jean Tinguely - Niki de Saint Phalle
Rue de Morat 2
CH-1700 Fribourg
+41 (0)26 305 51 40
… à Paris
du 9 septembre au 29 octobre 2016
Jean Tinguely e '60s
à la
Galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois
33 et 36 rue de Seine
75 006 - Paris
www.galerie-vallois.com
… à Bâle
du 19 octobre au 22 janvier 2016
Machines musicales /Musique machinale
au
Museum Tinguely
Paul Sacher-Anlage 2
Case postale 3255
CH-4002 Bâle
www.tinguely.ch
Infos pratiques
Fribourg Tourisme et Région
Pl. Jean-Tinguely 1
CH-1701 Fribourg
+41 (0)26 350 11 11
www.fribourgtourisme.ch
Sur les pas de Jean Tinguely
Odile Hayoz (Conteuse)
+41 (0)79 414 89 21 (ou auprès de Fribourg tourisme)